Afin d’éviter les contentieux postérieurs, il convient d’articuler le droit du travail avec le droit de la propriété intellectuelle lorsqu’un salarié développe une invention ou réalise une œuvre de l’esprit (graphique, artistique, technique…) au sein de son entreprise.
La question de la propriété de ces créations et inventions est fondamentale et peut faire l’objet de clauses spécifiques dans les contrats de travail des salariés. L’objectif étant de définir qui, de l’employeur ou du salarié, est le titulaire des droits de propriété intellectuelle sur l’œuvre ou sur l’invention.
I – Le droit d’auteur en entreprise.
Sont notamment considérées comme des œuvres de l’esprit, les livres, brochures et autres écrits littéraires, artistiques et scientifiques, les œuvres graphiques et typographiques, les œuvres photographiques, les illustrations, les logiciels, y compris le matériel de conception préparatoire, les créations des industries saisonnières de l’habillement et de la parure… (article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle).
L’auteur d’une œuvre de l’esprit, sous réserve que celle-ci soit originale, c’est-à-dire qu’elle manifeste l’empreinte de la personnalité de son auteur, bénéficie ainsi d’une protection du seul fait de sa création, sans nécessité de déposer cette œuvre.
Certaines précautions seront néanmoins toujours utiles afin de pouvoir prouver le contenu et l’antériorité de l’œuvre conçue, comme le dépôt sous enveloppe Soleau, sur un site d’horodatage en ligne, dépôt auprès d’une société d’auteur ou tout autre procédé tendant à conférer une date certaine à l’œuvre.
Lorsque l’auteur d’une telle œuvre est un salarié, l’existence d’un contrat de travail n’emporte aucune dérogation à la jouissance des droits de propriété intellectuelle de l’auteur.
En l’absence de clause de cession de droits, et sauf exceptions, le salarié ne transmet donc pas à son employeur le droit de reproduction et de représentation de son œuvre.
– La transmission des droits du salarié à l’employeur : les clauses de cession de droits.
La transmission des droits d’auteur est possible par le biais d’une clause de cession de droits.
Cette clause, par laquelle un salarié cède ses droits d’auteur devra respecter un certain nombre de conditions
Toute clause générale de cession à « titre exclusif et gracieux des droits de propriété intellectuelle » dans le contrat de travail est susceptible d’être annulée, comme portant atteinte au principe de la prohibition de la cession globale des œuvres futures (L. 131-1 du Code de la propriété intellectuelle).
Les clauses de cession prévoient en général la cession des droits d’auteurs pour toute œuvre réalisée par le salarié dans l’exécution de ses fonctions.
La clause peut également être plus large et prévoir que toute œuvre réalisée au cours des heures de travail et sur le lieu d’exécution du contrat de travail appartient à l’entreprise.
– Les inventions hors mission.
Les inventions hors mission présentent deux catégories : les inventions hors mission attribuables et les inventions hors mission non attribuables.
Les inventions hors mission attribuables : ce sont les inventions autres que les inventions de mission, mais qui présentent un lien avec l’entreprise car elles entrent dans le domaine d’activité de celle-ci ou parce qu’elles ont été réalisées par le salarié dans l’exécution de ses fonctions ou grâce aux moyens techniques et connaissances mises à sa disposition par l’entreprise.
Dans ce cas, le salarié est titulaire de l’invention, mais l’employeur peut s’en faire attribuer la propriété (droit d’attribution) ou uniquement sa jouissance (licence d’exploitation).
En contrepartie, l’employeur doit payer un juste prix au salarié dans le cas où il exerce son droit d’attribution : somme forfaitaire globale et définitive, ou somme proportionnelle au chiffre d’affaires, ou un cumul des deux.
Les inventions hors mission non attribuables : il s’agit de toutes les inventions réalisées par un salarié en dehors de toute mission confiée par l’employeur et ne présentant aucun lien avec l’entreprise.
Le salarié est seul titulaire de cette invention et n’a en conséquence aucun droit à une rémunération supplémentaire.
En revanche, le salarié a la libre utilisation de son invention et peut en retirer les bénéfices.
Lorsque la qualification de l’invention pose des difficultés, c’est à l’employeur de prouver la nature de la mission qu’il a confiée à son salarié.
C’est pourquoi l’intégration de clauses dans le contrat de travail concernant l’activité inventive est fortement recommandée, par précaution.
L’employeur pourra préciser dans les contrats de travail des salariés concernés que leurs fonctions impliquent par nature une activité inventive et qu’ils ne pourront prétendre à des droits de propriété intellectuelle sur les inventions développées dans l’entreprise.
En cas de litige entre le salarié et l’employeur sur le classement de l’invention, son attribution, sa contrepartie, la Commission Nationale des Inventions de Salariés (CNIS, siège auprès de l’INPI) est compétente pour tenter de concilier les parties.
A défaut d’accord, le litige peut également être soumis par l’employeur ou le salarié devant le Tribunal de grande instance de Paris qui a une compétence exclusive en matière de brevets.